Que nous dit la littérature sur le passé, que peut-elle nous dire, qui soit de nature à satisfaire ou à interpeller l’historien ? La question centrale de cette contribution, abordée ici du point de vue d’un historien qui s’interroge sur les diverses modalités de rapport au passé, dépasse donc largement le seul problème de la représentation littéraire de la Grande Guerre. Le cas d’espèce est toutefois d’une grande richesse sous cet angle. Né en 1960, l’écrivain belge Xavier Hanotte est l’auteur d’une œuvre abondante et variée, appréciée de la critique et primée à de multiples reprises : sept romans ; de nombreuses nouvelles, pour l’essentiel reprises en recueil ; un recueil de poésie ; deux textes dramatiques ; de nombreuses traductions littéraires, notamment celle du "war poet" Wilfred Owen. Après avoir montré que l'œuvre ne peut en rien se réduire ni au roman historique ni à la mise en roman de la Grande Guerre, la contribution montre de quelle manière la Grande Guerre se révèle très présente, sous des modalités très diverses, dans l'œuvre. Elle analyse ensuite la thématisation de la Grande Guerre dans celle-ci, la place tenue par Xavier Hanotte dans le discours mémoriel, propose une approche du détail et du sens global, questionne le rapport au réel. Hanotte se montre original notamment par son refus de la victimisation du combattant, son questionnement sur le sens de l'engagement et de la destinée, son jeu sur les temporalités, son recours au réalisme magique. Il crée un discours fort qui peut toucher le profane autant que satisfaire l'historien, sans pour autant paraître imposer une vérité. Interrogeant le littéraire autant que l'existence, il parle avec respect de faits réels tout en manifestant que la fiction reste la fiction.