« Einigkeit macht stark », « Eendracht maakt macht », « L’union fait la force ». La devise de la Belgique, en sa qualité proverbiale, n’est pas plus propre que les langues qui partagent le pays (l’allemand, le français et le néerlandais) : le proverbe, qui remonte à Ésope, sert également de devise à Andorre, l’Angola, à la Bolivie, à la Bulgarie et en Haïti . Le choix d’une devise reflète un certain imaginaire de la nation, tout comme il vient influer ensuite sur l’évolution de cet imaginaire. Dans le cas de la Belgique, l’interprétation littérale de la devise peut prêter à sourire, tant les tensions communautaires qui marquent l’Histoire du pays depuis son indépendance semblent la contredire. L’on a déjà glosé sur les apparentes contradictions et les paradoxes manifestes qui caractérisent tant le fonctionnement du pays que son imaginaire (et de là , la spécificité des arts qui y sont produits), mais peut-être a-t-on insuffisamment pensé à la nécessité symbolique de ce système de tensions contradictoires, susceptible de garantir l’équilibre de la nation. De la nature de l’union qui produit la force, nulle mention. Or, c’est peut-être la façon dont les habitants du pays et – singulièrement – ses écrivains se saisissent des notions de force et d’union qui vient offrir son sens à la devise. À la relire littéralement, l’on ne peut s’empêcher de lui trouver des allures de loi issue d’une discipline comme la physique. La perspective que nous allons adopter s’oriente en ce sens, au départ d’un concept ressortissant à la physique, de l’ingénierie et de l’architecture : la tenségrité. « Le concept de tenségrité peut être appliqué hors du seul champ de l’architecture et de l’ingénierie », affirme d’ailleurs son principal promoteur, le Français René Motro . À relire certains écrivains belges contemporains – un francophone de Flandre et un Flamand francophile : Paul Willems et Stefan Hertmans – au prisme de ce concept, ...